lundi 21 janvier 2019

Elections européennes : la gauche radicale à la croisée des chemins. Etat des lieux et des forces en présence.

La gauche radicale dans mon appellation inclut les partis appartenant au groupe de la gauche unitaire européenne et ceux n'y appartenant pas mais étant de tradition marxiste ou écosocialiste. Je me propose de lister les partis y appartenant et pouvant avoir des élus ou des élues ainsi que les différences idéologiques au sein de cette famille unie par une critique très forte du libéralisme économique. Pour les estimations je me baserais sur les sondages publiés par Europe Elects et par https://www.foederalist.eu/2019/01/europawahl-umfragen-januar-2019.html

La première sous famille  de cette famille politique est le pôle communiste orthodoxe. Celui ci peut être caractérisé par une volonté de sortir de  l'Union Européenne et une attitude peu critique de l'héritage de l'URSS. Ils sont en moyenne moins libertaires sur les questions sociétales (les communistes portugais on voté contre l'euthanasie ou le part communiste de Grèce contre le PACS) ou liées à l'immigration (le parti communiste de Hongrie ou de bohème et Moravie sont assez anti immigration https://www.youtube.com/watch?v=LwsYSLSVF58 ). Ils développent des structures très englobantes leur assurant un socle électoral mais limitant leur capacité à s'étendre au delà. Enfin, ils conjuguent marxisme intransigeant et attachement à l'état nation. Quatre d'entre eux sont assez forts pour pouvoir aller au Parlement européen . Le Parti communiste portugais et le parti communiste de Boheme et Moravie d'après les sondages devraient avoir respectivement 1 et 2 députés alors que le parti communiste grec devrait en garder 2. Enfin, le parti communiste chypriote original car conjuguant une pratique très réformiste et social démocrate du pouvoir (qu'il a pratiqué étant un des deux partis majeurs de Chypre) à une pureté idéologique sans faille dans son programme peut garder  deux élus . En tout cela ferait 7 élus pour cette famille politique. Les autres partis de cette mouvance  sont faibles (parti communiste slovaque ou autrichien végétant à 1% des voix) ou carrément marginaux.

La seconde sous famille est celle que l'on peut appeler euro-communiste. Elle représente les partis communistes ou les alliances de partis englobant les ex partis communistes devenus favorables à l'Union Européenne et également plus libertaires sur les questions non socio économiques ainsi que très critiques vis à vis de l'URSS. Il s'agit notamment de la gauche radicale italienne (elle même extrêmement divisée sauf le temps de cartels électoraux) , de Syriza au pouvoir en Grèce , du PCF , de Die Linke en Allemagne et du parti "La Gauche" au Luxembourg ainsi que d'autres partis plus petits. Ils disposent de 18 députés européens actuellement. D'après les derniers sondages Syriza devrait en avoir 6 et Die Linke 9, les autres partis qui en sont membres ne devraient pas avoir d'élus. Cependant , on peut se demander si les députés de la gauche unitaire espagnole, bien qu'alliée à Podemos, du parti de la gauche européenne pourraient les rejoindre.

L'adhésion du fait de la peur de sortir de l'UE de Syriza à un programme d'austérité a scindé cette gauche. Une troisième famille peut être définie autour de la fédération de partis Maintenant le Peuple . On peut l'analyser comme ayant moins peur d'aller au rapport de force au sein de l'UE et de menacer d'une sortie de l'UE. Elle est souvent constituée de nouveaux partis politiques issus de scissions d'ailes gauches des partis sociaux démocrates sans rapport direct avec le communisme et l'histoire des partis communistes européens sauf dans le cas de mouvances issues du trotskisme. Enfin , ce sont des partis se réclamant d'un populisme de gauche opposant le peuple aux élites. Ils sont regroupés dans  l'alliance Maintenant le Peuple autour de LFI , de Podemos , du Bloc de Gauche portugais et de la gauche radicale scandinave auquel on peut adjoindre l'unité populaire grecque. Ils sont donnés dans les derniers sondages à 26 élus alors qu'ils en avaient 12 (du fait du faible score de la FI en 2014). Cependant le point d'orgue des résultats de ces partis semble plus avoir été atteint entre 2015 et 2017.

Cependant, un débat interne à ces partis a éclaté sr la nature du "populisme de gauche". Pour certains membres de ces partis, le populisme de gauche défini juste comme un relookage du discours opposant le peuple et l'élite n'était pas fonctionnel. Selon eux , la gauche radicale pour récupérer l'électorat ouvrier à l'extrême droite devrait remettre en cause son discours sur les questions sociétales et surtout sur l'immigration. Il est encore trop tôt pour savoir si ces partis vont percer mais on peut noter plusieurs scissions récentes tels que celle de la tendance sur cette ligne à LFI , du numéro 2 de Podemos Irrigon ou du mouvement Aufstehen issu de Die Linke. Enfin, en Italie il s'agit du mouvement Patrie Et Constitution de Stefano Fassina. On ne sait pas si les mouvements cités vont se présenter et quel serait leur potentiel électoral mais on peut au moins supposer qu'il n'est pas négligeable en Allemagne et en Espagne.

Enfin, un dernier groupe hétéroclite regroupe les partis forts au niveau national mais ne rentrant dans aucune de ces cases. On peut y trouver pêle mêle les républicains très sociaux du sinn feinn assez eurosceptiques, qui étaient très conservateurs sur les questions de société mais évoluent vers des positions plus libertaires et étaient la branche politique de l'IRA  et les partis néo maoistes que sont le parti socialiste néerlandais et le PTB PVDA belge. Ceux ci sont assez eurosceptiques et proches de la famille de "Maintenant le Peuple" dont ils se diffèrent par leur histoire et leurs références idéologiques (et le plus fort nationalisme du parti socialiste). Enfin, le parti ,la Gauche slovène semble être une union classique de gauche radicale mais avec personnalité importante le philosophe inclassable Slavoj Zizek. Ces 4 partis devraient obtenir 8 députés contre 6 dans le dernier Parlement Européen. Encore plus en marge on peut noter les partis animalistes qui devraient avoir un député aux pays bas et en Allemagne et dont l'adhésion à la gauche radicale est en grande partie technique (même si elle s'appuie sur quelques convergences).

Cela ferait 55 élus contre 54 actuellement soit une quasi stagnation. Pour avoir un groupe, il faut 25 élus de 6 pays différents. Dans cette optique deux scénarios sont possibles: une grande réconciliation dominée par Maintenant le Peuple et s'appuyant sur le fait qu'aucune autre sous famille ne peut actuellement rassembler des élus de 6 pays et 25 élus. Dans cette optique, seul Syriza serait exclue. Ou une scission en deux avec maintenant le Peuple formant un groupe en intégrant le sinn feinn et les partis néo maoïstes et die linke ralliant à son drapeau de justesse la plupart des partis communistes orthodoxes au nom du passé commun et ayant un groupe de justesse. Mais le trop peu d'élus me fait pencher pour la première option. La gauche radicale devrait donc stagner mais se recomposer avec le chant du cygne du courant eurocommuniste.

De Minoritaire et alors ?

mercredi 16 janvier 2019


 Analyse critique d’un article du « Monde » : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/14/dans-le-laboratoire-economique-du-populisme_5408667_3234.html 

Le journal « le Monde » a fait un article sur le populisme économique en Europe de l’Est qui mélangerait des mesures sociales ciblées et du libéralisme économique. Nous apprenons que celui-ci vise à « gommer les excès des politiques de privatisation et d’ouverture d’après 1989 tout en créant une élite économique nationale ». Sauf qu’en analysant en détail les programmes de la Hongrie et de la Pologne comme le fait l’article, on voit des différences très nettes au contraire.

En effet, le gouvernement Orban a mélangé à quelques mesures sociales (taxe de crise sur les banques, des mesures ultra libérales (réduction du salaire des fonctionnaires, impôt sur les sociétés le plus faible d’Europe, flat tax et libéralisation du marché du travail avec nette hausse du plafond légal des heures supplémentaires).

A l’inverse, le gouvernement du parti Droit et Justice en Pologne a mis en, place, ce que le Monde appelle, une « surenchère » de mesures sociales qui correspond à un programme économique redistributif de gauche. L’âge de la retraite est baissé à 60 ans alors qu’il était de 65 ans pour les hommes et de 67 ans pour les femmes. Un programme d’allocations familiales a fait baisser l’extrême pauvreté infantile de 94%. L’impôt sur les sociétés a bien été baissé mais uniquement pour les PME TPE ce qui peut faire partie d’un programme social même si cela n’aide pas à créer des champions nationaux.

Certes, l’article est intéressant sur bien des aspects quand il pointe par exemple les faiblesses en terme de démographie ou de recherche de ces pays. Il pointe aussi des réelles convergences par exemple sur le rapport à la banque centrale dont les deux pays réduisent l'indépendance, dogme de l'économie orthodoxe. Cependant, il mélange sous l’appellation de « populisme économique » deux programmes ; un ultralibéralisme économique mâtiné de mesures liées au nationalisme économique et un programme redistributif classique d’une gauche keynésienne s’expliquant aussi par l’électorat ouvrier de Droit et Justice et par ses liens avec Solidarnosc, un des premiers syndicats de Pologne.

 Enfin, si ce mélange permet au Monde d’amalgamer les gouvernements très à droite d’Europe de l’Est qu’il n’aime pas, sous une politique économique commune ; c’est aussi une tentation à gauche où le discours facile et paresseux est souvent d’affirmer que la droite ultra conservatrice ou l’extrême droite ont un discours identitaire pour masquer leur libéralisme économique. Il serait temps d’admettre que dans certains cas comme Droit et Justice, c’est contredit par les faits et que Droit et Justice mène un gouvernement social. Cela ne veut pas dire les soutenir mais juste être lucide et admettre la vérité même quand elle dérange la gauche. Enfin, cela permet à la gauche d’avoir une analyse des alliés et des adversaires au niveau économique.

Minoritaire et alors ? .