jeudi 17 mai 2018

Réflexions sur le conflit israélo palestinien


Alors voilà je m'apprête à parler du conflit israélo palestinien. Prière de me lire jusqu'au bout avant d'incendier le texte; je suis ouvert à tout retour ou débat.

Bon, je ne vais pas rappeler les grandes étapes du conflit assez connues, Wikipédia le fera mieux que moi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conflit_isra%C3%A9lo-palestinien.

Une machine à fantasmes parfaite

Maintenant quelques questions : d'abord pourquoi ce conflit a t-il tant d'importance médiatique ? L'argument de dire que c'est car il est spécialement horrible ne tient pas dès qu'on s'intéresse à d'autres conflits bien plus sanglants (1). Ce conflit a pu être central dans la géopolitique régionale mais maintenant il ne l'est guère, ce que montre le réalignement de l'axe autour de l’Arabie Saoudite qui soutient désormais Israël contre l'Iran.

Cependant, ce conflit est une machine à fantasmes parfaite. Pourquoi ? Je vais répondre en parlant surtout de la gauche pro-palestinienne qui est celle que je connais le mieux. Tout d'abord ce conflit a lieu en Palestine au sens géographique : terre sainte pour le judaïsme, le christianisme et l'islam, ce qui lui assure une résonance particulière du fait de cette consonance religieuse.
De plus, ce conflit permet de plaquer une série de grilles de lecture : bastion avancé d'un Occident libéral face aux islamistes pour les occidentalistes pro-israéliens, point focal de la lutte anticolonialiste à décoloniser contre l'occident pour les tiers-mondistes pro-palestiniens, avec une nette disproportion entre les deux camps qui existe ailleurs mais sans être autant perçue (aussi car le territoire est exigu).
À ceci s'y rajoute chez certains pro-palestiniens un antisémitisme mal masqué et le fait que, les Palestiniens étant très faibles militairement, les soutenir est sans "risque moral". La forte identification au conflit d'un côté d'une grande partie des juifs de l'autre d'une grande partie des arabes et / ou des musulmans a aussi joué un rôle.
Je m'explique : Par exemple, si l’on soutenait les LTTE , c’était risquer de cautionner une épuration ethnique : les LTTE défendait en effet un grand Eelam Tamil à majorité tamoules et risquait de se livrer à une épuration là où les maures et les cinghalais sont majoritaires .Certes, le Hamas veut une épuration ethnique des juifs, il l'affirme assez clairement dans sa charte, mais le risque qu'il puisse le faire est minime vu la disproportion des moyens militaires.
Enfin, le conflit a acquis une importance symbolique qui s'autotransmet créant un "conflit mythique" dans les imaginaires et grossissant de manière démesurée le moindre phénomène du conflit.

Quelles options ?

Alors pourquoi cela : pour expliquer que les Palestiniens et leurs soutiens font une erreur d'analyse à mon sens tragique. Les campagnes actuelles qu'ils mènent sont inspirées par deux options :
          un État binational avec égalité des droits 
          un État palestinien dans les frontières de 1967.

Ces deux objectifs sont censés être appuyés par une stratégie qui, vue la disproportion radicale des forces militaires, serait de gagner la guerre des esprits. Pour cela, j'ai l'impression que beaucoup de Palestiniens et encore plus de leurs soutiens font le parallèle avec la décolonisation de l’Algérie ou/et la lutte contre l'apartheid.
Or ces comparaisons ne sont pas valides. Tout d'abord, dans les deux cas la population algérienne arabe ou kabyle ou la population noire d’Afrique du sud représentait en gros entre 80 à 90 % de la population totale. À partir du moment où une égalité du droit de vote était instituée le choix pour la minorité française ou blanche était l'adaptation à la nouvelle réalité ou le départ.

L’option de l’État binational

Dans le cas d’Israël et de la Palestine, la population juive est supérieure en nombre à la population arabe, particulièrement si la bande de Gaza n'est pas prise en compte. Or, du fait du retrait des colonies israéliennes, elle ne sera pas prise en compte dans un État binational.
De plus, la démographie des deux populations converge et est orientée à la baisse chez les arabes, à la hausse chez les juifs. L'extrême droite israélienne pourrait paradoxalement proposer l'annexion de la Cisjordanie avec un statut de citoyen pour les Palestiniens. Entre ceux qui refuseraient de voter, les évolutions démographiques et la peur que susciterait chez nombre de juifs l'idée d'être un jour minoritaires, ils auraient à mon humble avis une majorité.

Le retour aux frontières de 1967

Prenons l'autre option : un retrait israélien des colonies et le retour aux frontières de 1967. Je vois deux éléments empêchant ce scénario.
Reprenons la comparaison avec l’Algérie et avec les Pieds-noirs. Les Pieds-noirs étaient un million sur une population française de 40 000 000 d'habitants sans continuité géographique. Les israéliens dans les frontières de la Cisjordanie de 1967 sont entre 15 à 20 % de la population : on parle donc d'un déplacement de population d'une toute autre ampleur.
Mais : c'est aussi une population jeune : 63 % de la population de Beitar Ilit a moins de 18 ans (2). Supposons que la gauche israélienne type Meretz arrive au pouvoir, supposons qu'elle arrive à monter un plan d'évacuation avec le soutien de l'armée (où les Israéliens venant des territoires occupés sont plus nombreux car plus jeunes), supposons que la société israélienne l'accepte. Même avec toutes ces suppositions comment pensez-vous que l'armée et la population israélienne réagira quand il faudra évacuer des écoliers juifs de Yeshivas à la pointe des fusils ? surtout dans une société où la valeur des enfants a nettement augmenté. Sincèrement, posez-vous la question...

Le second point est plus psychologique. Je lis de la littérature sud-africaine (Coetzee) et israélienne (Amos Oz). Les deux peuvent être considérés comme des libéraux progressistes de gauche. Or dans En attendant les barbares, Coetzee envisage la défaite de l’Afrique du sud et la trouve moralement préférable à la poursuite de l'apartheid (3), y compris en envisageant le pire pour le groupe auquel il appartient, c'est à dire les sud-africains blancs (4). C'est tout le talent de ce très grand auteur dont je vous parlerais plus un jour que de nous faire sentir le ce tourment intérieur.
Pour Amos Oz (5 ), qui dénonce la colonisation israélienne en Cisjordanie, il est très clair par contre qu'il faut un État où les juifs seront en majorité. Une conviction semblable est partagée par Zeev Sternhell dans son récent entretien à Haareetz ou par Evi Guggenheim Shbeta, co-autrice du livre Le mariage de la paix qui est mariée à un Palestinien et vit dans un village mixte6.
Pourquoi ? pour cette raison simple : les juifs n'ont pas d'état où ils sont majoritaires sauf Israël. Or, Israël est pensé comme un potentiel refuge pour les juifs. Si Israël disparaît, où les juifs pourront-t-ils aller ? Dans les pays arabes qui les ont expulsés et les traitaient comme des citoyens de seconde zone ? En Europe après la Shoah ? Si vous êtes blanc sud-africain, pour reprendre la comparaison, et que vous êtes persuadé de ne pas pouvoir vivre dans un pays où les noirs seront majoritaires, vous avez un paquet d'États, qui plus est anglophones, où vous pouvez aller (et un certain nombre l'a fait). Et ceci alors que votre histoire n'est pas une histoire où vous avez systématiquement été opprimé. Je ne parle même pas de l'aspect religieux. Cela explique aussi pourquoi l'État binational est impossible s’il implique que les juifs seront minoritaires.

Quelles évolutions ?

J'ai surtout développé le point de vue des Israéliens. Pourquoi ? pour la raison simple que la disproportion militaire est totale et que les chances d'une victoire militaire pour les palestiniens sont nulles. Et cela n'est pas lié au soutien occidental : s’il disparaissait je ne vois pas en quoi la capacité militaire d’Israël s'effondrerait. La seule option pour les Palestiniens est donc bien la pression internationale. Mais celle-ci sera limitée pour les raisons que j'ai expliquées dans ce post http://minoritaire-et-alors.blogspot.fr/2017/10/la-coree-du-nord-bati-pas-pas-un.html ainsi que pour ce que j'ai évoqué sur la psychologie. Si la survie de l'État d'Israël elle-même est en jeu je pense qu’Israël serait prêt à prendre toutes les mesures possibles (et nous parlons d'un état nucléaire). En effet, dans leur optique Israël est la seule chance historique pour les juifs de ne pas être une minorité opprimée.
Ah et enfin, non seulement la société israélienne vire de plus en plus à droite mais elle pourrait rapidement basculer. Il suffirait de la réussite d'une attaque d'un commando palestinien contre un objectif sensible type une école pour que la situation dégénère très vite en épuration ethnique chassant les Palestiniens en Jordanie. Du coup, les Palestiniens devraient à la fois tout faire pour favoriser en Israël le camp de la paix et sauter sur la moindre offre de négociation y compris si elle n'implique que le dôme du rocher sans Jérusalem-est, la moitié de la Cisjordanie et pas de droit au retour. Pourquoi ? Car objectivement ils n'ont aucune chance d'améliorer leur situation dans le conflit et que plus ils attendent plus la proposition sera dure. Après tout l'accord de 1948 était relativement défavorable aux Palestiniens mais actuellement même le Hamas se damnerait pour l'obtenir.

1. Voir https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ongoing_armed_conflicts
2. Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Beitar_Illit
3. Voir : https://www.babelio.com/livres/Coetzee-En-attendant-les-barbares/17461
4. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Disgr%C3%A2ce_(roman)
5. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Amos_Oz
6. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Neve_Shalom_-_Wahat_as_Salam

jeudi 3 mai 2018


Droite, extrême droite : vers une fusion ?

Evènement

Dans Valeurs actuelles un certain nombre de responsables de l’aile droite de la droite et du FN ont appelé à une union des droites. Voilà la liste des plus importants ainsi que quelques élus locaux. :
- Charles BEIGBEDER, entrepreneur, élu de Paris
- Véronique BESSE, maire des Herbiers, Présidente de la communauté de communes du Pays des Herbiers (Vendée), député honoraire
- Jacques BOMPARD, maire d'Orange (Vaucluse)
- Christine BOUTIN, ancien Ministre
- Nicolas DHUICQ, maire de Brienne-le-Château (Aube), député honoraire
- Pascal GANNAT, conseiller régional (Pays de la Loire)
- Hervé de LEPINAU, conseiller municipal, conseiller départemental (Vaucluse)
- Marie-France LORHO, député (Vaucluse)
- Thierry MARIANI, ancien Ministre
- Emmanuelle MENARD, député (Hérault) 
- Robert MENARD, maire de Béziers (Hérault)
- Charles MILLON, ancien Ministre
- Bruno NORTH, entrepreneur, Président du CNIP
- Karim OUCHIKH, conseiller municipal, conseiller régional (Île-de-France), Président du SIEL
- Jean-Frédéric POISSON, député honoraire, maire-adjoint de Rambouillet (Yvelines), Président du PCD
- Christian VANNESTE, député honoraire, Président du RPF et de La droite libre.

Mouvement : histoire et idéologie

En premier lieu, cette alliance se structure autour du mouvement de la « droite hors les murs » autoproclamé. Celui-ci s’est d’abord structuré autour d’auteurs phares (Zemmour, Finkelkraut, Levy), de l’aile droite de la Manif pour Tous et de médias tels que Valeurs Actuelles ou Causeur. Ce qui les regroupe et est affirmé dans le manifeste est d’abord une ligne non seulement très hostile à l’immigration mais aussi assez identitaire « - la défense de notre culture, de notre identité (contre l’immigration de peuplement et le multiculturalisme) et de notre patrimoine hérité (contre l’impérialisme islamique et le constructivisme laïcard) ; » avec cependant une nuance décisive les différenciant des identitaires qui est le refus d’une dimension raciale , un conservatisme sociétal clair « - la préservation d’une conception traditionnelle en matière de bioéthique et de politique familiale (contre le progressisme sociétal sans limite et le matérialisme dans les relations humaines) afin de protéger la dignité de chaque personne. », un net libéralisme économique « - la promotion des libertés, notamment économiques, des corps sociaux (contre l’étatisme bureaucratique et fiscaliste) par l’application du principe de subsidiarité ; » et une critique de l’UE actuelle au nom d’une vision d’une Europe puissance et civilisation et pas au nom du souverainisme « - l’affirmation de la souveraineté conçue comme un moyen et non une fin (contre l’européisme béat mais au service d’une Europe enracinée) et de la puissance de la civilisation européenne dans le cadre d’une conception réaliste (et non idéaliste) des relations internationales ; ».
Une telle vision est donc en désaccord avec la droite type LR car elle trouve qu’ils se privent d’accéder au pouvoir car ils ne veulent pas une alliance avec le FN et car ils sont pas assez à droite sur les questions migratoires et identitaires et avec le FN car ils trouvent que celui-ci a un discours économique trop à gauche, trop souverainiste, pas assez conservateur sur les questions sociétales et effraie de ce fait l’électorat de droite.

Perspectives

Une telle offre pourrait -elle s’imposer ? Les signataires sont assez peu nombreux ety ont souvent leurs carrières politiques derrière eux : ce sont d’anciens députés ou ministres. Cependant, on peut noter en premier lieu que c’est l’aile droite du FN ou des membres de la sphère du FN (Pascal Gannat, Hervé de Lépinau, les époux Ménard, Karim Ouchikh) qui sont pour une alliance avec la droite . Cela n’est en fait pas étonnant car leur analyse est que la droite est d’accord avec eux sur les questions de conservatisme sociétal, d’immigration et d’identité et que le désaccord porte sur l’économie et l’euro (où ils s’opposaient à l’aile sociale souverainiste de Phillipot). De plus, le départ de Phillipot du FN ouvre une forte opportunité pour ce courant de l’emporter au sein du FN. ON peut en voir un exemple dans le récent discours du premier mai à Nice de Marine le Pen où elle explique que « "L'Europe est une bonne idée et l'Union européenne est en train de la tuer", » et où elle adhère à une vision d’une Europe civilisation et identitaire dont un exemple très frappant est illustré par cette vidéo d’un think thank de l’extrême droite identitaire https://www.youtube.com/watch?v=02nLxNzIA9g. Enfin, on peut noter que les signataires à droite en dehors d’une poussière d’élus locaux recoupent quand même les partis de la droite plus à droite que LR mais restant alliée à LR (SIEL, PCD ou résidus du MPF). Avec une droite se durcissant à droite avec l’élection de Laurent Wauquiez et ne pouvant mettre en avant qu’une ligne plus dure sur les questions migratoires et identitaires qu’En Marche qui applique le programme économique dont la droite rêvait en dehors de l’augmentation de la CSG (même une telle ligne sur les questions migratoires et identitaires est dure à trouver pour LR avec Collomb), l’attrait pour la droite d’une telle alliance serait potentiellement très fort

Qu’en déduire à gauche ?

  D’abord que le risque qu’une telle union des droites sur un modèle italien autrichien ou bulgare arrive au pouvoir est élevé sur une ligne libérale identitaire. En effet, une telle alliance pèserait près de 40 à 50 % des français dans les forces politiques actuelles. Ensuite se dire qu’il y a une opportunité. Phillipot n’arrive pas à réussir son parti de fonder un parti attractif en quittant le FN , une gauche de transformation économique et sociale pourrait utiliser ce virage libéral du FN pour faire revenir à gauche l’électorat ouvrier qui vote désormais majoritairement pour le FN. Mais ceci n’implique pas seulement un discours économique de gauche (qui existe déjà) mais aussi un changement du discours de cette gauche sur la nation ou la sécurité et une moins grande tolérance envers les franges gauchistes aux marges de cette gauche portant un discours qui est radicalement opposé à un tel changement et qui sans être majoritaires font encore partie du spectre de la gauche radicale. À cette condition cette menace pourrait se transformer en clé pour recréer une majorité de gauche qui en France n’existe plus depuis 1981.