lundi 16 octobre 2017

La Corée du Nord a bâti pas à pas un programme nucléaire malgré son fort isolement économique (d’ailleurs en partie voulue idéologiquement par le régime). Ce pays semble avoir acquis des capacités nucléaires (même si un léger doute demeure) et a clairement des capacités balistiques d’envergure. Les sanctions économiques n’ont pas fonctionné et les options présentes sont mauvaises : frapper la Corée du Nord (autant dire une guerre potentiellement nucléaire et des dizaines de millions de morts), renforcer les sanctions (et prendre le risque de revenir au premier scénario) ou ne rien faire et adresser un signal désastreux en terme de lutte contre la prolifération nucléaire. Pour répondre à l’argument que le fait que l’arme nucléaire soit réservée à quelques pays riches et souvent occidentaux, je répondrais que je ne suis pas un opposant de principe à l’arme nucléaire (je considère qu’elle a  joué un rôle dans le fait que la guerre « froide » ne devienne pas « chaude »). Mais plus, un nombre important de pays la possèdent, plus se multiplient les chances qu’elle soit utilisée lors d’un conflit ce qui banaliserait son emploi en brisant le tabou qui l’entoure actuellement (les deux seules utilisations ayant été faites dans un contexte très spécifique et à l’issue de la seconde guerre mondiale). Cependant, la volonté de la Corée du Nord de l’avoir est logique : cela permettrait au régime à la fois d’effectuer un chantage économique pour survivre et de se préserver d’une intervention extérieure (si Saddam Hussein ou Kadhafi avaient eu l’arme nucléaire on peut parier qu’il n’y aurait pas eu de guerre d’Irak ou de Libye et si l’Ukraine avait gardé les armes nucléaires de l’URSS, le drapeau ukrainien flotterait toujours en Crimée).

Ce qui se passe en Birmanie est fort différent. Voilà un arrière fond historique sur la situation des rohingya dans l’état rakhine : http://geopolis.francetvinfo.fr/birmanie-pourquoi-tant-de-haine-vis-a-vis-des-rohingyas-131223 … ou encore … . En 2016 la situation s'est aggravée pour les Rohingya et pas mal ont dû fuir en Inde et au Bangladesh (après déja des attaques contre les rohingya en 2012). En là un mouvement rohingya a déclenché une attaque sur les postes frontières birmans ce qui a entraîné une nouvelle vague d'exactions faites par l'armée birmane contre les rohingyas. Or en même temps, le Bangladesh et l'Inde expulsent les rohingya qui fuient vers le Bangladesh. In fine le Bangladesh a décidé d’accueillir les rohingya fuyant ce qui a probablement évité un génocide mais une épuration ethnique a u lieu (la moitié des rohingya au moins ont dû fur au Bangladesh). Les techniques employées étaient clairement celles d’une épuration ethnique destinées à faire fuir la population (alors que le génocide a pour but de tuer la population). Il y a donc eu des meurtres horribles avec torture destinés à servir d’ « exemples », des viols de masse, la destruction des habitations, et la pose de mines à la frontière pour empêcher le retour.

Enfin, en Tchétchénie, un certain nombre d’homosexuels ont été arrêtés, torturés et parfois tués. Cela a été réalisé par Kadyrov dans le but à la fois de se présenter comme un « champion de l’islam mondial » ce qu’il a déjà fait en organisant une méga manifestation contre les caricatures de Charlie Hebdo après l’assassinat des dessinateurs de Charlie hebdo ou en organisant un congrès regroupant des leaders musulmans et déclarant le salafisme non musulman. https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Monde/La-Conference-Grozny-competition-pour-lorthodoxie-islamique-2016-11-04-1200800818 … … Mais cela lui sert aussi à éliminer des opposants politiques et s’insère dans le discours de poutine sur l’ « occident décadent ».

Le point commun de ces situations est le suivant : dans les trois cas il y a eu des protestations massives soit d’états : dans le cas de la Corée du Nord celle-ci a été plusieurs fois condamnée par les pays constituant l’ONU , dans le cas de la Birmanie avec une émotion internationale et certains états suspendant leur coopération avec la Birmanie, dans le cas de la Tchétchénie avec une émotion de l’ « opinion mondiale » da les pays occidentaux et des appels de dirigeants à Poutine pour qu’il fasse cesser les violences contre les homosexuels en Tchétchénie (Merkel). La question que nous pouvons nous poser est pourquoi ?

Je pense que la stratégie consistant à « name and shaming » en relations internationales est très liée à la campagne de boycott contre l’Afrique du Sud ce qui est résumé là https://en.wikipedia.org/wiki/Anti-Apartheid_Movement#Expansion_and_renaming … . Le postulat de telles campagnes est le suivant : si un pays se fait boycotter économiquement, académiquement , sportivement et se fait mal voir à l’échelle mondiale , cela entraînera une pression qui poussera ce pays à modifier sa politique sur les points concernés (ce qui est aussi la logique de la campagne pro palestinienne BDS dans le conflit israélo palestinien). Sauf qu’une telle stratégie repose sur deux postulats :un boycott économique aura des effets concrets sur l’économie du pays concerné et surtout le pays concerné a une « proximité culturelle «  avec les pays le boycottant.
Je m’explique : mettons que vous êtes tchétchène et que vous considérez que l’homosexualité est un complot occidental dont votre président veut vous protéger pour rester musulman (hé bien le fait de savoir que du coup les pays d’Europe occidentale ne vous aiment pas confortera ce discours). Prenons le cas de la Birmanie : le fait de savoir que les pays à majorité musulmane et les pays occidentaux n’aiment pas le fait que l’armée birmane et les vigilants rakhines se livrent à une épuration ethnique des rohingyas risque surtout d’accrôitre l’iéde que les rohingya sont une « çinquièe colonne musulmane » d’autant que les groupes bouddhistes fondamentalistes pourraient facilement répondre que les pays occidentaux se sont beaucoup moins mobilisés pour les jummas persécutés au bangladesh et en grande partie bouddhistes https://en.wikipedia.org/wiki/Chittagong_Hill_Tracts_conflict …  (sans parler des pays musulmans) ou que du coup les ONG n’aident pas la population pauvre bouddhiste ). D’ailleurs surprise, c’est ce qu’ils font. Dans le cas de l’Afrique du Sud , une telle pratique du « name and shaming » pouvait marcher car les sud-africains blancs se percevaient comme appartenant à l’ »occident blanc » . Du coup, être mis au ban des pays qu’ils considéraient comme l’ »occident blanc » les affectait. Dans les cas cités ça ne marche pas. Quant aux sanctions économiques, elles sont effectives si vous êtes le principal partenaire économique du pays et que nul ne peut vous remplacer. Les occidentaux décident de boycotter la Birmanie ? Celle-ci accroîtra ces échanges avec la Chine http://www.thehindu.com/news/international/china-endorses-the-crackdown-on-rohingya-claims-myanmar/article19685281.ece … Idem pour les interventions militaires : en dehors même de tout jugement de valeur sur une intervention militaire à l’étranger dire pourquoi la France n’intervient pas en Tchétchénie ou en Birmanie alors qu’on le fait au Mali , en Centrafrique ou en Syrie ? n’a aucun sens. Dans les trois derniers cas, on a des pays en guerre civile, sans armée forte et où une partie des acteurs politico militaires sont favorables à une intervention plus ou moins forte. La Birmanie est un état avec une armée puissante et stable et est un allié de la Chine. Je ne parle même pas de la Tchétchénie.

Bref, ce texte ne propose pas de solution à la « crise de l’intervention ». Il explique juste qu’il serait temps de réexaminer la pratique de l’indignation vue comme un moyen concret d’agir en relations internationales, et de voir si on ne peut pas chercher d’autres alternatives. Ah et soyez cohérent : si vous vous réjouissez de la fin de la domination occidentale et du monde multipolaire , n’allez pas pleurnicher dans les jupes des pays occidentaux si des aspects de ce monde nouveau ne vous conviennent pas "